Qu’est-ce qu’une source ? Comment l’utiliser ?

1 mars 2021 | Histoire & Culture

Qu’est-ce qu’une source ?

 

Savoir ce qu’est une source historique et comment l’utiliser sont des notions essentielles de nos deux collections. En effet, tout l’intérêt de nos collections va être de mêler les genres de l’imaginaire – et donc de la fiction – à une trame au plus proche de la réalité et cohérente dans son écriture.
Ainsi, nous bannirons les pommes de terre dans les romans médiévaux situés en Europe avant le XVIe siècle, et n’admettrons l’usage de deux épées dans un cadre européen que dans le cas des duels judiciaires. De même, nous ne pourrons admettre qu’une sirène prenne la forme d’une femme poisson dans un univers fantastique situé, ou en lien, avec la Grèce antique.

 

Sur quoi nous basons-nous pour établir ces règles ? Sont-elles arbitraires ? Sont-elles inébranlables ?

 

Non. Nous nous basons sur un ensemble de sources et non, elles sont loin d’être inébranlables.
Laissez-nous vous expliquer tout ça !
Vous connaissez sans doute le principe de la source. On l’utilise couramment pour juger la validité d’une information (voire pour mettre en doute une information donnée : « cet article ne cite pas ses sources ! »

La source est donc l’origine de l’information et, dans notre cas, il y en a trois grandes catégories :

 

1 – Les sources d’époque, les sources anciennes

 

Elles peuvent être écrites, picturales ou encore, pour l’histoire contemporaine, photographiques et cinématographiques.
Ces sources peuvent paraître idéales : qui, mieux que ceux qui ont vécu la période, pourrait relater des faits historiques ? Attention à la facilité : en réalité, ce n’est pas si simple.
Ces sources sont clairement pleines d’informations et empreintes d’une certaine authenticité, c’est indubitable, mais elles ne valent pas parole d’évangile pour autant. De nombreux biais sont à prendre en compte.

Qui est à l’origine de la source ? Quel est le but poursuivi par l’œuvre ? La langue de la source est-elle la même que celle de celui qui l’étudie ou l’étude se fait-elle par traduction interposée ? Qui est le traducteur ? L’auteur (et le traducteur) sont-ils connus pour un militantisme politique marqué ? etc.

Voici un exemple qui nous vient de l’Empire romain. Vous connaissez sans doute Néron, cet empereur cruel et sanguinaire ? Eh bien, la quasi-totalité des sources d’époques nous viennent de ses opposants politiques. Sans dire que le dirigeant était un philanthrope, cela laisse à réfléchir sur la partialité et l’objectif poursuivi par ces écrits.

Un autre exemple concerne les sources mythologiques. Les mythes sont nombreux et au fil du temps et selon les auteurs, ils peuvent se contredire. Il n’y a pas de vérité absolue, encore moins en ce qui concerne les mythes. Certaines sources seront à privilégier, il faut simplement savoir pourquoi et l’expliquer à son interlocuteur.

Nous aurons l’occasion de revenir plus en détail sur la question des sources d’époque en évoquant celles sur lesquelles se sont appuyées Le poids de la maille.

Les sources d’époques restent néanmoins, lorsqu’on les considère avec prudence et recul, de formidables mines d’informations et sont fondamentales pour capter l’ambiance de l’époque. Les représentations picturales sont très appréciables à ce niveau, une fois que l’on a pris un minimum de recul sur les codes artistiques de l’époque.

 

2 – Les sources archéologiques

 

Il s’agit de l’ensemble des informations issues des différentes fouilles. Ces sources sont fondamentales et sont en constante évolution car ce n’est pas le tout de découvrir un objet, il faut savoir le comprendre et en cela, les avancées technologiques permettent sans cesse de découvrir de nouveaux éléments et ainsi de consolider ou d’infirmer des thèses.

Là encore, ces sources sont essentielles mais sont loin d’être sans failles. Le principal risque étant de surinterpréter et de tirer des conclusions hâtives.

L’archéologie nous permet d’obtenir des pistes de compréhension, des indices, de vérifier la validité de sources d’époques, etc. Elle ne peut pas néanmoins répondre à toutes nos questions.

Sans aller dans le détail, l’écueil le plus courant est de généraliser l’impact d’une découverte archéologique ponctuelle : la sépulture d’une femme scandinave présentant un équipement militaire n’implique pas pour autant que toutes les scandinaves étaient guerrière, ni même que la personne inhumée l’était elle-même. Tout cela doit se démontrer, se corroborer, être recoupé avec d’autres sources. C’est là que la doctrine entre en jeu.

Néanmoins, ces découvertes ouvrent des pistes et il ne faut pas, à l’inverse, les négliger.

Là où cela commence à être intéressant c’est lorsque les sources archéologiques résonnent avec les sources anciennes.

 

3 – Les sources doctrinales

 

Les sources doctrinales sont l’ensemble des écrits produits par les experts. Ici, ce sont leur interprétation de la réalité historique dont il est question. Cette interprétation se fait par le biais de leurs connaissances, de leur personnalité, de leur profession ou encore de leurs opinions politiques et religieuses. En fonction de tout cela, la fiabilité de la source est impactée.

Pire, leur éventuelle réputation de fiabilité peut conduire à des erreurs.

L’exemple de Régis Boyer : Régis Boyer est un linguiste spécialisé dans l’étude du vieux norrois et des cultures nordiques. Son œuvre est essentielle pour toute personne s’intéressant à la Scandinavie médiévale. Néanmoins, Régis Boyer était linguiste et non archéologue et de nombreux écrits, en particulier sur son interprétation de la réalité historique, comportent des faiblesses et des incorrections. Par ailleurs, n’oublions pas que son œuvre commence à dater (certains ouvrages ont déjà cinquante ans) et ne prennent pas en considération les connaissances les plus récentes.

Étudier Boyer, oui ! Se fier aveuglément à lui, non !

 

4 – Une quatrième catégorie de sources ?

 

Et les autres ? Ceux qui ne sont pas experts ? Que faire de leur avis ?

Encore plus que pour les autres sources, il faut les utiliser avec prudence et recul mais il y a d’excellentes choses qui ne sont pas comprises dans les trois catégories précédentes. Le plus important à mes yeux est l’utilisation de l’Histoire vivante et de la reconstitution historique.

Les reconstituteurs ne sont pas, la plupart du temps, des experts au sens professionnel mais certains passionnés étudient tellement les sources précitées qu’ils sont capables d’en extraire l’essentiel et de transmettre ces savoirs au public.
Nous recommandons d’ailleurs aux auteurs de romans historiques de se rapprocher de compagnies spécialisées dans leur époque et lieu géographique.

Attention toutefois, toutes les compagnies de reconstituteurs n’évoluent pas avec les mêmes exigences en termes de rigueur historiques allant de la simple évocation au respect à la lettre des sources les plus fiables.

 

Conclusion : Comment utiliser une source ?

 

Les sources, c’est la base de tout travail de recherche mais aucune n’est infaillible, aucune ne permet d’avoir une hypothétique vérité. Toute source mérite d’être considérée mais doit également être appréhendée avec un esprit critique et un certain recul afin de ne pas véhiculer de fausses idées.

Aucune thèse n’est infaillible et régulièrement, certaines sont remises en cause. Notre travail au sein de la Loutre de Béryl n’a aucune prétention d’exhaustivité ni de parfaite exactitude pour la simple et bonne raison que cette prétention ne pourrait qu’être déçue. Néanmoins, nous mettrons un point d’honneur à contrebalancer les sources et, en cas de doute ou de prise de position, en informer le lecteur.

 

J’espère que vous avez pris du plaisir à lire cet article et je vous dis à très bientôt pour un autre article.

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